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Aotearoa, en route vers les mers du sud
26 février 2016

Février 2016: Récit de la traversée de l'atlantique

 

 

"Un aboutissement d'avoir réussi à concrétiser ce vieux projet, mais pas une fin, 1 étape dans ma vie de plaisancier, un premier sommet "remarquable", la 1ère étape d'une initiation à la mer, au large..."

 

Jeudi 11 février 2016, un moment longtemps attendu, on largue enfin les amarres, aidé amicalement par Patricia et Denis de la "Clé de Sol", qui nous confient un petit gri-gri au parfum envoûtant ! La Barbade, notre objectif, est distante de 2018 miles et nous comptons 16 à 18 jours pour la rallier. Dès la 1ère heure, les conditions sont musclées et on atteint 10,6 noeuds à la pointe sud de Sao Antao, splendide au soleil couchant. A 21 h je prends le 1 er quart, on est sous 2 ris et trinquette, c'est calme et j'admire les constellations dont la Croix du Sud, puis aperçoit 3 étoiles filantes dont l'une, très lumineuse, éclaire tout le plan d'eau. Le vent monte rapidement, Aotearoa accélère et atteint 12,1 nds. De grosses vagues viennent percuter l'arrière du bateau et l'envoient au lof ( le font pivoter violemment dans la direction du vent) et je serre les fesses, c'est impressionnant de nuit de naviguer à vitesse élevé. A 4h 30, on a déjà parcouru 104 miles, quel départ canon!

 

Aotearoa fonce dans la nuit noire...

 

12 février, à 11 h on prend le 3ème ris pour réduire les embardées mais on avance toujours aussi fort et au bout de 24h on a parcouru 194 miles, notre record. Le lendemain, profitant d'1 relative accalmie, je décide de pêcher et au bout de 2 mn le moulinet file bruyamment, une coryphène de 2 kg a mordu à notre super appât, victoire, on va se régaler. Ce début de traversée très agitée avec une mer forte et très désordonnée, ne nous a pas vraiment donné le temps de nous adapter et nous sommes un peu "vaseux", pas malades certes mais pas encore au top,  alors entre les manœuvres on se repose chacun son tour et cela fait longtemps que nous n'avons pas autant dormi. Petit à petit, on se requinque, heureusement car les conditions vont encore monter d'1 cran et dans la nuit du13 au 14, on fait une pointe à 12,9 nds, sous voilure réduite! Le bateau est secoué dans tous les sens et il faut faire attention au moindre de ses gestes car on est sans cesse déséquilibré par les mouvements brusques du bateau. On est content de s'en sortir sans se faire mal ni rien casser au bateau mais on aimerait que ça se calme un peu, c'est n'importe quoi me dit Hervé qui en est pourtant à sa 6ème transat! Il n'a jamais vu un alizé aussi soutenu.

Moi je découvre, et je réalise qu'une fois partis, il est impossible de faire 1/2 tour, il faut aller de l'avant et aller de " l'autre côté", beau challenge! On est loin du cliché de l'alizé en maillot de bain avec un ti'punch à la main, du vent on en veut bien, de la houle aussi, mais pas cette espèce de marmite en ébullition permanente, pitié pour notre bateau, il mérite pas de se faire balader comme ça, il demande qu'à avancer sans avoir à escalader toutes ces vagues qui arrivent de tous les côtés à la fois! Heureusement que notre régulateur d'allure tient bien le cap!

 

Hervé au réglage du régulateur Cap Horn

 

Lundi 15 janvier, 0h30, une rafale plus forte que les autres, couche le bateau sur bâbord, je vois le feu à retournement s'éclairer au contact de l'eau et sa bouée sauter de son support, je m'attends à ce que quelque chose casse, mais non, le bateau se redresse et continue sa route dans la nuit noire. Ao est devenu "l'Atlantique express",  j ai l'impression qu'on ne peut plus le ralentir, on le laisse filer, c'est lui qui impose le rythme, c'est impressionnant mais on lui fait entièrement confiance, ainsi qu'à notre régulateur "Cap Horn", baptisé "Charlebois", notre 3ème équipier! A 16 h, nous avons parcouru 728 miles depuis le départ, soit plus de 7,5 noeuds de moyenne, assez incroyable, quel rythme!

Au matin, la mer nous a fait 1 offrande, 1 gros poisson volant est posé dans le cockpit. C'est la 1 ère belle journée, on profite du soleil, déjeune dehors et on prend notre 1 ère douche à l'eau de mer, avec comble du luxe, 1 bouteille d'1 litre et demi d'eau douce pour se rincer, le pied! J'ai hérité d'une nouvelle fonction, je fais office de cuistot à bord, Hervé m'abandonne le poste en fait, son carnet de recettes ne comportant qu'une seule page, celle des quiches salées, et comme on n'a pas de pâte......Et puis j'ai quand même réussi à nourrir Paul et Tom, mes 2 garçons, qui lorsqu'ils étaient ados, avaient pas mal d'appétit au point d'avoir été surnommés "les dobermans" par le "corps médical"! On ne devrait donc pas mourir de faim! Le 16, juste avant la nuit, alors que je me demandais ce qu'on allait bien pouvoir manger, 2 petites bonites ont mordu coup sur coup à notre bel appât vert. Et bien, ce sera un délicieux carpaccio, quel bol!

la table est bonne sur Ao et le pain fait

 

Il se passe des choses bizarres sur un bateau au large, figurez vous qu'on entend des voix, oui des voix et des fois ça fout carrément la trouille. 2 fois je me suis réveillé en sursaut en entendant crier, je me suis levé en 4ème vitesse pour voir si Hervé était toujours à bord, j'ai eu peur qu'il ne soit tombé par dessus bord...... Une autre fois, on fait 1 manœuvre pour bloquer la G V et j'entends distinctement "c'est bien", ça surprend! D'autres fois, ce n'est pas toujours clairement intelligible. Faudrait pouvoir les enregistrer pour en savoir plus mais ce sera pas simple l'affaire, si ça vous tente.....

Autre sujet d'actualité, la transat, pourquoi la transat? Il y a des villes sur des cartes ou dans des bouquins, comme Valparaiso, Zanzibar, Pondichéry, Lourenço-Marques, Tombouctou qui m'ont fait rêver. Ce sont des ports en fait dont les noms résonnent comme une petite musique. La transat, j'en ai rêvé bien sûr, mais c'est d'un autre ordre, c'est 1 étape, 1 double étape même je crois. C'est 1 aboutissement d'avoir réussi à concrétiser ce vieux projet, mais pas une fin, 1 étape dans ma vie de plaisancier, un premier sommet "remarquable", la 1ère étape d'une initiation à la mer, au large je pense. C'est aussi une porte qui s'ouvre vers un champ de découvertes et d'exploration incroyable, l'antichambre du Pacifique et ses immensités et surtout le point où il ne faut pas faire 1/2 tour! C'est l'accès à un mode de vie nomade qui me plaît tant, à une vie faite de rencontres, d'amitiés où les gens se saluent, s'abordent, se parlent comme on l'a constaté au Cap Vert.

Hervé à la manoeuvre!

 

Le 17 à 4 h, on vient de franchir la barre des 1000 miles parcourus et ce soir on sera à mi-parcours. Journée à se faire secouer comme dans 1 shaker, assez infernal mais le soir, une belle Houle s'installe et Ao file à 7  nds sous génois seul tangonné, en ondulant d'un bord sur l'autre, quel plaisir! Malgré cette 1ère partie mouvementée, nous sommes en pleine forme Hervé et moi. L'appétit un peu émoussé des 1ers jours est revenu car on élabore de bons petits plats avec Hervé, poisson frais, légumes, salades, fruits dont la spécialité du bord, la banane flambée ou en salade avec du rhum,  biscuits, chocolat, dulce de leche, yaourts, on varie notre alimentation à souhait car c'est aussi bon pour le moral! Et puis on a dormi, les 1ers jours car une fois les manœuvres faites, on était mieux à l'horizontale que d'essayer de se déplacer au risque de se faire mal! La probabilité de collision avec 1 autre bateau étant quasi nulle, on n'en a vu qu'1 seul en 10 jours, nous nous permettions même de dormir dans le carré pendant nos quarts, prêt à intervenir si nécessaire. Avec l'habitude, on devient sensible à tous les bruits du bateau et même en dormant, on garde une certaine vigilance. On finit par faire corps avec lui!

 

 

Jeudi 18, 5 h, le vent commence à monter, il force de plus en plus, jusqu'à 40 nds, vitesse, 11,1 nds, Vite, on enroule le génois avec Hervé car on veut à tout prix éviter de casser quelque chose. On a fait 1 beau run mais faut savoir réduire à temps, faut pas avoir à le regretter quand c'est trop tard!

 

 

Le vendredi 19 à été la vrai 1ère journée d' alizés avec chaleur, soleil, petits nuages et quelques grains. Seule petite contrariété, la pêche ne donne rien malgré notre obstination, il y a des algues partout et ce sont nos seules prises de la journée, damned! Pire, on a perdu notre gros poulpe et le joli petit bleu.... Pour se réconforter, le soir on se fait des pintxos avec des aubergines, une omelette, des pommes de terre et des tartines grillées avec du fromage capverdien fondu, arrosé d'un rouge bien frais, un festin!

Petite anecdote de la nuit, il fait doux, je m'installe confortablement dans le cockpit, ça veut dire allongé, pour mon quart et j'admire le ciel plein d'étoiles. Au bout de quelques minutes je réalise que je n'ai pas allumé les feux de navigation mais: "je le fais dès que je me lève" me dis-je. Au bout de 10 mn environ, je me lève donc et surprise j'aperçois 1 bateau sur notre travers à 4 miles environ, j'ai vérifié sur l'Ais. Quel bol, pour un peu on se faisait une grosse frayeur!

 

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Samedi 19, Hervé se réveille préoccupé, de sa cabine il entend des bruits anormaux qui viennent du compartiment moteur. L'inverseur vibre ainsi que la barre et l'hélice repliable ne se déploie pas lorsqu'on joue de la manette des gaz, bizarre. Après diverses investigations, on fait le constat suivant, ce sont les algues qui ont envahi l'océan depuis 2 jours qui s'accumulent derrière le safran et autour de l'hélice et font vibrer ainsi ces appendices. Sur ce, on ralentit le bateau, met le moteur pour faire marche arrière et un énorme paquet d'algues se libère à notre grande satisfaction. On en a vu tellement de ces chapelets énormes d'algues que l'on se croyait dans la mer des Sargasses, et en plus elles nous empêchent de pêcher, saletés va!

 

Dimanche 20, dès 10h, on se fait arracher notre yo zuri favori par un prédateur affamé, on a la guigne question pêche ces jours ci! A midi, on a parcouru 1500 miles depuis le départ, et il nous en reste 796 jusqu'en Guadeloupe.

A 13h, Hervé et moi tentons de remonter une grosse coryphène prise sur notre traîne, elle résiste de toutes ses forces et on a beau tirer, on n'arrive pas à la rapprocher du bateau, puis tout à coup, elle se décroche, la poisse encore. Il faudra attendre 18h, et un grain pour qu'une autre morde au même appât, mais cette fois ci, on a été plus patient et on a réussi à la sortir de l'eau. Quelques bons repas en perspective!

Un peu plus tôt, vers 15h, on a eu "pétole" pendant 1 heure. On en a profité pour se baigner, inspecter l'hélice et le safran, se doucher et faire tourner le moteur pour constater que tout allait bien. Pendant la nuit, à 4 h, je relâche le second ris pour relancer l'allure car le reste de la nuit s'annonce calme.

Pour la météo, nous avons à terre une équipe efficace composée d'Isa et de Yves, le frère d'Hervé. Tous les jours ils nous envoient des sms sur l'iridium avec des conseils sur le vent, sa force et sur le meilleur cap à tenir. Nous pouvons également recevoir des fichiers "gribs" à la demande mais ils amputent très sérieusement notre  forfait.

un des rares moments de calme ou le spi est de sortie...

Dimanche 21, l'heure du spi à sonnée. Superbe journée en perspective, 12 noeuds de vent environ, c'est décidé, on sort le spi et le tangon, qui de suite s'avèrent très efficaces plein vent arrière pour nous déhaler à 6 noeuds. Puis la chaleur étant accablante, on installe notre petit taud de soleil qui nous procure un peu de fraîcheur, c'est génial.

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Un petit mot sur Hervé, mon ami et équipier numéro 1, sur qui je peux compter à 100% qu'elles que soient les conditions. 5 transats, un titre de champion du monde en 470 et en plus un grand souci du détail et de la précision dans les manœuvres qui sont pour moi un exemple et une mine d'informations permanente. En plus nos caractères s'accordent parfaitement et circonstance très favorable, il a le même penchant que moi pour les gourmandises de toutes sortes. Et oui, contrairement à ce que disent certains et certaines, il y a aussi gourmand que moi! Cela pose quelques petits problèmes car dès que j'ouvre 1 paquet de biscuits, il se précipite dessus, mais on a du stock, alors on est à l'abri de la pénurie, heureusement! Au 11 éme jour, nous n'avons toujours pas eu l'ombre d'une embrouille et je pense que cela va continuer encore un bout de temps! Nous sommes très complémentaires car il cherche toujours à comprendre le fonctionnement de tel ou tel appareil, notamment le régulateur d'allures, le gestionnaire de batteries par exemple en épluchant toutes la documentation disponible, ce que j'ai vraiment du mal à faire. Et moi je le conseille pour la cuisine et il se révèle être un élève très doué, ce soir il a su parfaitement réchauffer les pâtes à la poêle et cuire les darnes de coryphène. Félicitations!

Les quarts de nuit, sujet qui enflamme l'imagination et suscite pas mal de questions. En fait, c'est simple à bord d'Aotearoa. La 1ère semaine, une fois le bateau bien réglé, nous avons convenu que nous pouvions dormir tout en restant disponible s'il y avait à manœuvrer, sachant que nous ne rencontrerions probablement aucun bateau sur notre route. Pour la seconde moitié du parcours, il fait doux, les nuits sont belles et on a vraiment envie de vivre à fond ces moments privilégiés, alors on lit, on contemple le ciel, l'océan, on écrit, on grignote, on écoute un peu de musique, on est seul et on gère le bateau comme on l'entend, immense satisfaction de le voir débouler à bon rythme sur la houle sans besoin d'intervenir. Question durée des quarts, comme nous ne sommes que 2, le 1er fait de 9h à minuit, le second de minuit à 4 h et le 1er remet ça jusqu'à 7 ou 8 h selon la forme. Le lendemain, nous inversons pour avoir le privilège d'assister au lever de soleil. Ces moments étant assez privilégiés, nous dépassons souvent d'1 heure la durée de notre quart, surtout pendant la seconde semaine.

Autre sujet qui interroge, l'ennui. Et bien non, on ne s'ennuie pas 1 mn en bateau, on a tout le temps quelque chose à faire finalement mais il ne faut pas non plus vouloir trop en faire et il faut savoir prendre du temps pour soi, se reposer, contempler, lire, écouter de la musique, discuter... C'est un luxe auquel on n'est pas habitué à terre et nous le savourons pleinement.

Autre luxe, nous décidons de gagner 1 heure en reculant l'heure du bord pour nous caler petit à petit sur l'heure antillaise et nous décidons également, pour adapter progressivement nos organismes au climat tropical de la Caraïbe, d'incorporer régulièrement dans notre alimentation des recettes locales comme les bananes flambées et le ti'punch.

 

Lundi 22, c'est les vacances, le bateau est bien réglé sous spi et chacun s'occupe selon son humeur. A midi nous passons en cuisine pour nous confectionner à 4 mains un délicieux cari de poisson selon la recette de l'excellent bouquin "naviguer gourmand" que m'a offert mon Tom. Il s'agit incontestablement du meilleur plat que nous ayons jamais cuisiné de notre vie, Hervé et moi. Puisque la cuisine c'est pas compliqué en fait, je me lance vers 17 h dans la fabrication d'un pain.

Vers 18h, après délibération, nous décidons d'empanner et mettons le moteur. La manœuvre se passe bien, puis le spi établi sur l'autre bord, Hervé coupe le moteur, du moins tente de le faire car ce dernier refuse obstinément de s'arrêter, mais c'est quoi ça maintenant? Vite, on fait des recherches dans nos documents techniques et on tente tout ce qui est en notre pouvoir car le temps presse, le circuit de refroidissement ne tourne pas: on coupe l'arrivée de gasoil mais comme ça ne consomme rien ces moteurs, ça n'a aucun effet, puis on pousse le levier manuel de stop, on débranche l'électrovanne, on appelle Maurice.... Toujours rien! Catastrophe, on pince une durite avec la Facom, on coupe le courant puis idée géniale, on vide le pré-filtre et démonte le filtre à gasoil et là ça marche, enfin! Il est plus de 21h, ça fait plus de 2 h qu'on bataille!

Petits problèmes, en coupant le courant, on a désactivé le pilote automatique, le bateau est parti dans une embardée à 10 noeuds et la manille qui tient le spi à l'étrave s'est désintégrée sans laisser de traces. Heureusement le bout qui retient le spi était passé dans un anneau de friction, ce qui a évité au spi de s'envoler et haut du mât! On a réussi à l'affaler non sans quelques sueurs froides mais ça s'est bien terminé, puis on sort le génois pour être tranquille cette nuit. Il est 21h20, On a bien mérité un petit verre puis on met la pâte à pain au four et on termine notre cari, qu'elle soirée, on va bien dormir! Au matin, grâce à notre téléphone satellite, nous envoyons des mails à Isa, Jérôme et Maurice pour voir s'ils peuvent se renseigner et nous transmettre une solution plus pratique pour couper ce moteur s'il récidive. Notre arrivée en Guadeloupe est prévue dans 3 jours et il nous faut impérativement un moteur en état de marche. Dans l'après midi, les premiers retours arrivent mais nous ne tenons pas encore la "solution" idéale. On nous propose de boucher l'arrivée d'air au niveau du filtre pour étouffer le moteur si cela se reproduit, c'est bon à savoir! Le soir, le vent monte autour de 25 nds estimons nous, car notre anémomètre n'affiche plus qu'épisodiquement des valeurs fantaisistes, un peu gênant! Toujours est il qu'Ao file à 8 noeuds sous GV à 1 ris et génois tangoné en ciseau.

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La Guadeloupe se rapproche à grands pas, 340 miles précisément à minuit. Notre GPS est de plus en plus optimiste à cause du rythme effréné adopté par Aotearoa cette nuit. A 18h il nous prédisait 1 arrivée vendredi matin à 8h et maintenant à 4h, si le vent se maintient, bien sûr. Bon, je vais m'interrompre, faut que je veille à la bonne marche du bateau pendant qu'Hervé dort et puis j'ai un petit compte à régler avec le pot de "dulce de leche" de marque Hélios qui se planque dans le tiroir juste en face de moi, je n'ai jamais rien trouvé de meilleur à étaler sur une bonne tartine, un délice!

 

24 février, on a super bien avancé cette nuit,  mais on est sur-toilé. Pendant son quart, Hervé a fait une pointe à 12,1 nds, ça commence à devenir craignos, alors au changement de quart à 6h, on décide de prendre le second ris pour assurer le coup, ce n'est pas le moment de casser quelque chose si près du but, faut pas se laisser griser... On a croisé un bateau de pêche cette nuit, c'est tout. Depuis plusieurs nuit on allume nos feux de mouillage pour nous signaler, car notre girouette électronique est en panne, on peut au moins apercevoir celle qui est en haut de mât. Superbe journée avec du vent et une houle bien formée. On a remis en pêche sans succès mais il nous reste encore de la coryphène, alors il n'y a pas urgence. Les algues sont revenues et s'emmêlent souvent en bout de ligne. On a eu 1 échange de mail avec Gilles qui est à St Barth et il nous conseille d'aller à la marina du bas du fort pour faire voir notre moteur, plutôt qu'à St François. C'est ok pour nous et peut être le rencontrera t'on là bas, ce serait super!

En ce début de nuit, Ao allonge à nouveau la foulée, sous voilure réduite, il fonce à 7-8 noeuds en permanence et garde bien le cap malgré la houle qui vient taper l'arrière tribord et le désaxe de temps en temps. On se régale et on profite à fond de ces instants magiques dans la douceur nocturne car la traversée va bientôt prendre fin... Il ne nous reste que 195 miles à parcourir. 5h, le vent est plus soutenu, probablement dans les 25 nds je pense et Ao est plus souvent au delà des 8 nds qu'en dessous. Il part au surf sur les vagues avec l'étrave qui vibre, elle a un petit mouvement "d'essuie-glace" d'un bord à l'autre et il faut absolument faire en sorte qu'il y ait le moins d'amplitude possible. Dans les rafales, je fais de petits ajustements sur l'aérien du régulateur d'allure et cela demande pas mal de concentration car il faut absolument éviter que là bôme empanne violemment ou que le génois tangonné porte à contre. Un exercice tout en finesse et c'est magique d'arriver à maintenir ce fragile équilibre qui procure de superbes sensations et fait monter l'adrénaline. Lorsque l'effet conjugué d'une vague et du vent soulève l'arriére et fait piquer l'étrave dans le creux, on part au surf et la sensation de glisse est jouissive! C'est super mais il ne faudrait pas que ça dure des heures car cela impose beaucoup de tension!

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25 février, très belle journée sans le moindre grain, dommage, cela aurait fait 1 bonne douche pour rincer Ao de tout le sel et le sable qui s'est incrusté partout. Il marche à fond la caisse notre bateau, avec son génois tangonné et sa GV à 1 ris, peu perturbé par une petite houle d'est. A 17 h, nous pêchons notre dernière coryphène, elle pèse 4,5 kg et mesure 95 cm, un beau poisson! A 18 h, nous cogitons sur l'opportunité de tester le moteur ce soir ou demain matin, je suis favorable à la 2ème solution mais Hervé préconise de le démarrer ce soir et je me range à son avis. Ce ne fût pas une bonne idée, il a bien démarré et semble avoir tourné normalement mais il nous a fallu 1 heure pour l'arrêter au moyen de l'inverseur, bien que nous ayons enlevé le filtre à G O et débranché la pompe à injection. Quel stress encore car bien sûr le système de refroidissement s'est arrêté de fonctionner de suite. On ne m'y reprendra plus, demain on l'allumera au dernier moment et on attendra le mécanicien de Volvo pour le couper. Il nous reste 200 litres de gasoil,et on peut attendre le temps qu'il faudra.

le génois dessine une belle arabesque

 

Avant le repas je décide de prendre un ris supplémentaire pour ralentir le bateau afin de ne pas arriver de nuit à Pointe à Pitre. Dernière nuit de traversée, j'ai pris le 1 er quart jusqu'à minuit et demi puis ai dormi profondément, j'en avais besoin après ces émotions qui m'ont bien contrarié. Cela a un peu gâché ma dernière nuit, chose qui aurait pu être évitée, faut que je m'écoute des fois, dans certaines situations un peu difficiles, je n'ai pas un trop mauvais instinct je crois. Si cela n'a pas causé de dommage rédhibitoire au moteur, cela sera vite oublié. Vers 3 h, Hervé m'appelle pour affaler la G V. On est au sud de la Désirade, qui fait partie de l'archipel de la Guadeloupe. Puis à 5 miles de Marie Galante, on passe le génois sur tribord et on avance à 6 nds vers notre destination finale.

A 4h33, heure du bord, nous passons la longitude 61°10 ouest, soit celle de la pointe des Châteaux, que nous considérons comme notre "ligne d'arrivée".

Nous avons parcouru, selon notre Gps, la distance de 2268 miles, dont seulement 5 h au moteur! D'après mes calculs savants, nous avons mis 14 jours et demi environ, soit 351 h exactement, ce qui représente une belle moyenne de 6,5 noeuds à l'heure!

C'est pas mal tout ça mais l'essentiel est d'avoir vécu une belle aventure humaine et une belle expérience et surtout de ne pas avoir eu de problèmes d'ordre physique ni rien cassé à bord. On peut dire que le "contrat" est bien rempli, au delà même de mes espérances!

Félicitations et merci à Hervé qui a toujours su évaluer les risques et faire des réglages de voile d'une précision chirurgicale! Il nous reste maintenant à retrouver Gilles et Ambre à Petit cul de sac marin, où se situe la marina, fêter ça avec eux et déguster ensemble la coryphène pêchée hier.

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Commentaires
P
J'ai tout lu d'une traite. Superbe aventure ! Merci pour le partage et bravo de l'avoir fait.<br /> <br /> J'aime beaucoup les réflexions ou réponses aux questions fréquentes. En ce qui me concerne, ce qui m'attire dans la transat c'est aussi de se trouver seul-e au monde face à une autre sorte de désert : pas ou peu d'autres êtres humains, l'odeur omniprésente de la mer, l'énergie du vent, le calme, les quarts de nuit à suivre les étoiles, les levers et couchers de soleil mais aussi de lune... Et à tout instant les éléments peuvent se déchaîner !!<br /> <br /> Bon vent<br /> <br /> Perrine
A
Hello, <br /> <br /> On se croirait dans un film d’horreur. J’espère que le bateau n’est pas hanté.
K
whouh ! Quelle aventure ! J'y étais avec vous en lisant !<br /> <br /> Maintenant c'est doigts de pieds en éventail et ti'punch à l'ombre des cocotiers.<br /> <br /> Mais… pour combien de temps ???<br /> <br /> Bisous
C
Ca y est : objectif atteint :) Contente pour vous <br /> <br /> Bon vent et je vous souhaite de belles découvertes jalonnées de belles rencontres<br /> <br /> Biz
B
Coucou Grand Frère.Vous avez réussi à réaliser ce rêve qui te tenait à cœur depuis longtemps . Quelle belle aventure!!! Humaine.je suis contente pour toi.. Pour vous Ao et Hervé à ne pas oublier. Bises
Aotearoa, en route vers les mers du sud
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Présentation du voilier
La cuisine à bord, facile!
 
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